bornimétrie

EQUERRE OBLIQUE

mardi 28 juin 2011, par Paul Facq

L’équerre oblique est une alternative au mètre ruban et au pied à coulisse pour la mesure des diamètres moyens périmétriques, elle permet aussi la mesure des rayons de courbure des surfaces rugueuses convexes de façon plus précise qu’avec le sphéromètre à pointes. L’équerre oblique TOS, d’angle e\;\; (0<e<\pi) est mise en contact avec le contour (C) du domaine convexe X de \mathbb{R}^2 [fig.2]. On fait tourner l’équerre d’un tour complet dans son plan en la maintenant en contact avec le contour (C). Nous montrons ici qu’à l’issue de cette rotation, la moyenne

 (1)\;\;\;\;<a>\:  = \frac{1}{2\pi}\int_0^{2\pi}\!\!\!a(\theta)\,d\theta

de la longueur a(\theta) du segment OT joignant le sommet O de l’équerre au point de tangence T avec le contour (C) ne dépend que de l’angle e de l’équerre et du périmètre P du domaine X :

 (2)\;\;\;\;<a>\:  = \frac{P}{2\pi\; tan(e/2)}.

Le domaine X est supposé convexe et, pour les besoins d’une démonstration simple, son contour (C) admet une tangente en chacun de ses points. Il ne comporte, pour le moment, ni méplat ni point anguleux. Le cas d’un contour polygonal ou mixte peut être traité simplement et rapidement en ayant recours à la théorie des distributions.

Conformément à la pratique instrumentale, le tour du domaine X est effectué en N étapes régulièrement espacées en angle. De l’une à l’autre, l’équerre oblique est tournée de l’incrément angulaire \varepsilon = 2\pi/N.

Pour simplifier encore la démonstration, nous supposons que le supplément \pi-e de l’angle de l’équerre est un multiple entier de l’incrément \varepsilon : (3)\;\;\;\;\pi-e= M\varepsilon = 2M\pi/N,

ce qui s’écrit aussi :

(4)\;\;\;\;\frac{2\pi}{\pi - e}= \frac{N}{M}.

On s’assure ainsi que les point de contacts de la branche TO avec le contour (C) coïncideront au cours de la rotation avec des points de contact de la branche OS sur le contour. Il est facile, en effet, de vérifier qu’après une rotation de \pi-e dans le sens direct, l’orientation de la branche TO sera devenue celle de la branche OS au départ.

Il n’y a donc, au total, que N points de contact de l’équerre avec le contour. Ces points sont les sommets d’un polygone P à N côtés, de longueurs b_1,b_2,b_3,....b_N, inscrit dans le contour (C).

Il faut remarquer que la condition (4) est une égalité entre le nombre à priori réel \frac{2\pi}{\pi - e} et le rationnel  \frac{N}{M} quotient de deux nombres entiers. Ce n’est pas toujours le cas en toute rigueur, mais on peut montrer qu’il est toujours possible de choisir pour angle de l’équerre une valeur e' aussi proche que l’on veut de e, de telle sorte que 2\pi et \pi - e' soient simultanément multiples de l’incrément angulaire \varepsilon . Il suffit, pour cela, que N et M soient assez grands.

Pour chacune des positions de l’équerre on relève la distance B = OS de son sommet O au point de tangence S de la branche OS avec le contour (C). La longueur B_1 du segment OS dans la position de départ de l’équerre peut s’écrire :

B_1 = [b_1sin\varepsilon+ b_2sin2\varepsilon+........ b_M sinM\varepsilon]/sine' ,

ou encore, puisque M\varepsilon = \pi - e' :

B_1 = [b_1 sin\varepsilon+ b_2 sin2\varepsilon+........ b_M sin(\pi - e')]/sine' .

Dans les deux expressions précédentes, la contribution  b_k sin(k\varepsilon)/sine' du côté b_k résulte de la projection de b_k sur la branche OS, parallèlement à la branche TO.

A la position suivante, après rotation de l’équerre d’un incrément \varepsilon dans son plan, les côtés du polygone P contribuant à B_2 sont b_2,b_3,.......b_{M+1} et la nouvelle longueur B_2 de OS s’écrit alors : B_2 = [b_2sin\varepsilon+ b_3sin2\varepsilon+........ b_{M+1} sin(\pi - e')]/sine' .

Le processus se pousuit jusqu’à réaliser un tour complet du domaine X en N étapes au total, avec l’incrément angulaire constant \varepsilon = 2\pi/N. Les points de tangence de la branche TO prennent progressivement la place de ceux de la branche OS et réciproquement à la fin du tour.

L’avant-dernière valeur B_{N-1} de B s’écrit : B_{N-1} = [b_{N-1} sin\varepsilon+ b_N sin 2\varepsilon+........ b_{M-2} sin(\pi - e')]/sine' , et la dernière : B_N = [b_N sin\varepsilon+ b_1 sin2\varepsilon+........ b_{M-1} sin(\pi - e')]/sine' .

La valeur moyenne des B_1, B_2,......B_N sur un tour complet (N valeurs) :  \;\;\;\;<B>\:  =(B_1+B_2+B_3+.....+B_N)/N s’écrit donc :

 <B>\:  = \frac{1}{N sine'}(b_1+b_2+.....+b_N)[sin\varepsilon+ sin2\varepsilon+.......+sin(\pi - e')].

Multiplions par 2\pi les deux membres de cette équation,

 2\pi<B>\:  = (b_1+b_2+.....+b_N)[sin\varepsilon+ sin2\varepsilon+.......+sin(\pi - e')]\varepsilon/sine'..

Lorsque N tend vers l’infini, e' tend vers e,  (b_1+b_2+.....+b_N) tend vers le périmètre P du contour (C), et  [sin\varepsilon+ sin2\varepsilon+.......+sin(\pi - e')]\varepsilon tend vers l’intégrale

 \int_0^{\pi-e}\!\!\!sin(x)\,dx = 1 + cos(e) ;

tandis que <B> tend vers l’intégrale

 <b>\:  = \frac{1}{2\pi}\int_0^{2\pi}\!\!\!b(\theta)\,d\theta.

On obtient donc :

(7) \;\;\;\;2\pi<b>\:  = \frac{P(1+cos(e))}{sin(e)} = \frac{P}{tan(e/2)}.

En définitive

(8) \;\;\;\;\underline{\overline{\left|\;\;\;\;2\; tan(e/2)<b>\:  = \frac{P}{\pi}\;\;\;\;\right|}}.

Il est remarquable que le résultat ne dépende que du périmètre du domaine convexe X. On en déduit que l’utilisation de l’autre branche de l’équerre oblique (branche TO) conduira au même résultat, car il suffit d’effectuer l’opération précédente sur un domaine X’ déduit de X par une symétrie axiale plane. X’ a même périmètre que X et tout revient à échanger les branches TO et OS de l’équerre. Si TO = a , on a donc en moyenne, à l’issue d’un tour complet :

 (9)\;\;\;\;\;\;\underline{\overline{\left|\;\;\;\;<a>\:  =  <b>\;\;\;\;\right|}} et

(10) \;\;\;\;\underline{\overline{\left|\;\;\;\;2\; tan(e/2)<a>\:  = \frac{P}{\pi}\;\;\;\;\right|}}.

Remarque :

Le cas de figure discuté correspond à une équerre obtuse (\pi/2<e<\pi) mais le lecteur vérifiera qu’avec une équerre d’angle aigu (0<e\leq\pi/2) on obtient exactement les mêmes résultats.

L’équerre oblique permet donc une mesure du « diamètre moyen périmétrique » P/\pi. En pratique, cette mesure consiste à relever, pour N positions de l’équerre régulièrement espacées angulairement (incrément 2\pi/N), les valeurs de la distance OT = a (ou bien OS = b) et d’en multiplier la valeur moyenne <a> (ou<b>) par 2 tan(e/2). La convergence du processus est accélérée si l’on relève simultanément a et b pour calculer le diamètre moyen périmétrique du domaine X à l’aide de la relation :

(11) \;\;\;\;\underline{\overline{\left|\;\;\;\;\frac{P}{\pi}\:  =  tan(e/2)<a + b> \;\;\;\;\right|}}.

Certaines valeurs de e facilitent les calculs. Par exemple : e = 126°,87 donne tan(e/2) = 2,0000045. On pourra donc utiliser, avec une équerre de cet angle, la formule simplifiée :

(12) \;\;\;\;\;\frac{P}{\pi}\:  =\: 2<a + b> \;\;\;\;\;\;\;\;\;\;\;\; (e = 126°,87),

valable avec une erreur relative de l’ordre de 2,2.10^{-6} seulement.

EQUERRE DROITE

Avec e = \pi/2, qui correspond à l’équerre droite habituelle, tan(e/2)=tan(\pi/4) = 1 et l’on a, puisque <a>=<b>,

(13) \;\;\;\;\;\frac{P}{\pi}\:  =\: 2<a > =\: 2<b>=\: <a+b>  \;\;\;\;.

A titre d’illustration, les mesures expérimentales [1] effectuées sur une section de la borne romaine du cimetière de la Chapelle Saint-Blaise (commune de Faux-Mazuras, Creuse) ont donné, avec 32 positions d’une équerre droite : 2<a> = 45,4 cm ; 2<b> = 45,8 cm ; <a+b> = 45,6 cm, à comparer avec le diamètre moyen périmétrique obtenu directement au mètre ruban : P/ \pi= 45,5 cm (pour un périmètre
P= 143 cm).

Les petits écarts observés sont imputables au grain de la pierre qui rend délicate l’appréciation des points de tangence de l’équerre avec le contour, à la difficulté d’effectuer les différents types de mesures sur la même section exactement, au nombre limité de positions de mesures du pied à coulisse et de l’équerre (ici, N=32 pour l’équerre) et, bien sûr, aux inévitables erreurs de lecture. Ils donnent une idée concrète de la précision atteinte sur ces mesures de diamètre moyen : la valeur  \;D_E = 45,6 cm peut être retenue pour cette section de borne avec une incertitude de l’ordre du millimètre seulement.

PIED A COULISSE

Le pied à coulisse peut être considéré comme la réunion de deux équerres droites E et E’ ayant une branche en commun. On voit [fig.4] que le diamètre D_\theta mesuré avec le pied à coulisse pour une orientation \theta de sa réglette vaut a+b’. Et l’on sait, d’après ce qui précède, que\;<a > =<b>=<a'>=<b'>. Donc, en moyenne sur un tour complet autour du domaine convexe X :

(14) \;\;\;<D_\theta>\; =\; <a+b'>\;=\:\frac{P}{\pi}.

En langage d’intégrales la relation (14) d’écrit :

 (15)\;\;\;\;D_P\:  = \frac{1}{2\pi}\int_0^{2\pi}\!\!\!D_\theta\,d\theta =\:\frac{P}{\pi}

On vérifie qu’un demi-tour est suffisant car D_\theta\; =\; D_{\theta+\pi}, de sorte que (15) s’écrit aussi :

 (16)\;\;\;\;D_P\:  = \frac{1}{\pi}\int_0^{\pi}\!\!\!D_\theta\,d\theta =\:\frac{P}{\pi}

Si D_E est le diamètre moyen mesuré à l’équerre, D_P le diamètre moyen mesuré au pied à coulisse et P/\pi le diamètre moyen périmétrique mesuré au mètre ruban, nous avons donc démontré l’équivalence théorique :

 (17)\;\;\;\;D_E\;  = \;D_P\; =\;\frac{P}{\pi} .

EQUERRE OBLIQUE ET RAYON DE COURBURE

Notons F et G les intersections des normales au contour (C) en T et S avec la bissectrice de l’angle e de l’équerre [Fig.5].

Notons également \;f = TF =  a\; tan(e/2) et \;g  = TG =  b\; tan(e/2).

La somme \;f + g  =  (a + b) tan(e/2) a pour moyenne :

 (18) \;\;\;\;\;\;\;<f + g>  =  <a +b> tan(e/2) = P/\pi.

Cette valeur est indépendante de l’angle e de l’équerre. Elle reste stable si nous faisons tendre e vers  \pi, ce qui « ouvre » l’équerre totalement à plat...

Lors de cette opération, les points de tangence T et S se rapprochent et viennent se confondre avec O sur le contour du domaine X, tandis que F et G tendent vers le centre de courbure  \omega du contour (C) au point O.

f et g se confondent alors avec le rayon de courbure R du contour (C) en O.

A la limite tan(e/2) tend vers tan(\pi/4) = 1 et l’on a, en moyenne :

 <f > = < g>  =  <R>  = P/2\pi.

Cette relation sécrit aussi, en langage d’intégrales :

 (19)\;\;\;\;<R>\:  = \frac{1}{2\pi}\int_0^{2\pi}\!\!\!R(\theta)\,d\theta = \frac{P}{2\pi}.

Au double du rayon de courbure moyen  <R> correspond un diamètre moyen  D_R = 2\;<R>. Et l’on constate que :

(20)\;\;\;\; D_R = 2\;<R> = \frac{P}{\pi}.

 D_R a la même valeur que les diamètres moyens  D_E et  D_P définis précédemment. Ainsi :

 \;\;\;\;D_E\;  = \;D_P\ ; = \;D_R\; =\;\frac{P}{\pi} .

COURBURE MOYENNE

La courbure locale  \mathbb{C} du contour (C) est l’inverse du rayon de courbure local :

(21)\;\;\;\; \mathbb{C} = \frac{1}{R}.

Elle peut être définie localement par la dérivée  \mathbb{C} = \frac{d\theta}{d\ell} \ell est une abscisse curviligne comptée sur le contour (C) à partir d’un point fixe quelconque de celui-ci et  \theta l’azimut de la tangente au contour au point d’abscisse  \ell.

Si l’on calcule la moyenne de  \mathbb{C} sur un tour complet, avec  \ell pour variable de pondération,

 (22)\;\;\;\;<\mathbb{C}>\:  = \frac{1}{P}\int_0^{P}\!\!\!\mathbb{C}\,d\ell = \frac{1}{P}\int_0^{P}\frac{d\ell}{R},

le changement de variable  \ell \theta (Rd \theta=d \ell) conduit à :

 (23)\;\;\;\;<\mathbb{C}>\:  = \frac{1}{P}\int_0^{2\pi}\!\!\!d\theta = \frac{2\pi}{P}.

On voit, d’après (19) et (23), que  \frac{1}{ <\mathbb{C}>} s’identifie au rayon de courbure moyen défini précédemment et que son double

 (24)\;\;\;\;D_C\; =\;\frac{2}{<\mathbb{C}>} = \frac{2P}{\int_0^{P}\!\mathbb{C}\,d\ell} = \frac{P}{\pi}

est lui aussi égal aux rayons moyens D_E, D_P, D_R et P/\pi définis dans ce qui précède.

En définitive :

 (25)\;\;\underline{\overline{\left|\;\;D_E\;  = \;D_P\ ; = \;D_R= \;D_C\; =\;\frac{P}{\pi} \;\;\right|}}.

Dernière mise à jour : 11 avril 2021

(à suivre)

Notes

[1] parues dans TAL29 (2009) p.173 et 174

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